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Au fil de l'arroyo tranquille et sinueux,
Sans efforts et sans bruits de marins ni de rames,
La jonque, avant cambré, promenait par les cieux
Sa voile, plein hamac où se berçaient des âmes.
Elle glissait. Le mât, comme un bras étendu,
Pointait, pour les compter, les émaux des étoiles.
Dans quel port son retour était-il attendu ?
Souple, elle obéissait au gonflement des toiles.
Les arbres de la rive, au groupement obscur,
Dans l'immobilité figeaient leur attitude,
Et l'arroyo semblait traîner au pied d'un mur
Son grand corps surchargé d'âge et de lassitude.
Au bord de l'horizon menant son vol égal,
Précédant ou suivant des bouquet de lumière,
La jonque se mouvait dans un brouillard astral
Pour répondre à l'appel d'autres feux en poussière.
Le ciel se reflétait en décalque dans l'eau,
Dont la masse au repos avait l'aspect étrange
D'un monstre écaillé d'or, couronné d'un halo,
Enivré d'un sommeil qu'aucun heurt ne dérange.
L'eau dormait, et la voile éployée avait l'air
D'être son rêve altier en marche dans l'espace,
Rêve surnaturel, si profond et si fier
Que tout paraît soudain s'effacer quand il passe.Jean RICQUEBOURG (La Réunion)
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Beau cheval apeuré dans ce pré légendaire
Et mon ombre en passant à troublé les images
D’un monde vaste et redoutable où tu es seul
Pacifique habitant du silence nocturne
Délicat et tremblant et fuyant sous les arbres
Reviens cheval charmant vers mes yeux sans défense
J’ai parcouru ce soir les chemins de mes rêves
Mon visage est baigné de lumière et de pluie
En mon cœur s’étendra ta figure pâlie
Discrète créature ô forme des chimères.
– J’ai eu peur j’ai couru sur la mousse légère
Quand ton ombre en passant a touché mes naseaux
À l’abri sous cet arbre à travers le feuillage
Je te vois à présent plus frêle qu’un roseau
Ton visage est baigné de pleurs et de lumière
Tes lèvres ont tremblé d’un appel incertain
Vers une créature et vers quelque mystère
Et dans la nuit s’est répandu ton chant humain.
J’aspirerai ta douce et patiente complainte
Ô voix qui enveloppe et dit toute la plainte
Les cris et les soupirs de la Création
Et qui sait appeler les bêtes par leur nom.
Raïssa Maritain (Né en Russie 1883/1960)
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Attendre à la tombée du jour,
Celui ou celle qui tarde tant...
Sur le seuil où fraîchit le vent.
Je frissonne dans ce silence alentour.
En cette fin mourante du soir,
L'ombre a envahi la maison.
Une mince bande mauve à l'horizon,
Seule, accroche mon regard, mon espoir.
Soudain chuinte le portail de bois ...
Sur les feuilles, un bruit de papier froissé ?
Des pas se rapprochent dans l'allée !
L'oreille se tend ... enfin c'est toi !
Finie l'attente lourde, angoissée,
Nos mains s'étreignent ...les coeurs apaisés.
Marielle
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Pieds nus sur l'horizon,
Elle fait le plein de caresses,
Berçant l'azur de tendresse,
La terre lui donne raison...
Les vagues sont des oiseaux,
Prêts à l'envol, ô farandoles !
L'univers est sans idoles,
Partout ses actes sont beaux,
Les algues crissent sous la main,
Dans une ardeur totale,
C'est un quotidien idéal,
Que la mer polit sans fin,
Tant de danses nous reviennent,
De pays lointains,
On se régale de jardins,
Alentour vibre une douce laine,
Les seins nus, elle voyage,
Il y a des baisers pour chacun,
Que l'on soit sirène ou marin,
La mer ne fait pas son âge,
Elle brasse soleil et neige,
Mêlant son corps à d'autres corps,
Les vivants comptent autant que les morts,
A travers l'écume toujours vierge...
La lune se multiplie, entre les plis
De robes aux mille fruits !VOLTUAN
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Le petit homme qui chantait sans cesse
le petit homme qui dansait dans ma tête
le petit homme de la jeunesse
a cassé son lacet de soulier
et toutes les baraques de la fête
tout d'un coup se sont écroulées
et dans le silence de cette fête
j'ai entendu ta voix heureuse
ta voix déchirée et fragile
enfantine et désolée
venant de loin et qui m'appelait
et j'ai mis ma main sur mon coeur
où remuaient
ensanglantés
les sept éclats de glacede ton rire étoilé.
J. Prévert
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