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    Venez sous cette lampe amie et près du feu.
    Parlez-moi du Berri, de la mousse câline,
    De l' étang lumineux sur qui le jonc s'incline,
    Paupière de velours où brille un regard bleu.

     

    Je vous dirai l'ardeur de nos Juillets en feu,
    Les vignes d'Août saignant à flots sur la colline,
    Et, quand le vent le tord d'une étreinte féline,
    Le grand pin qui nous parle avec la voix d'un dieu.

     

    Au dehors, c'est la nuit, l'hiver, Paris hostile;
    L'heure morne s'égoutte aux beffrois de la ville:
    Évoquons la patrie et le passé charmant!

     

    Un mirage en nos yeux met sa lueur qui tremble,
    Et nous rêvons, muets, avec le sentiment
    D'être moins exilés quand nous sommes ensemble.

     

    Anne OSMONT   ( 1872/1953 )

     

     

       ~~ Soir d'exil~~ de A. Osmont

     

     


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    Montagne de la sierra 

     

     

    J'aime d'un fol amour, les monts fiers et sublimes !
    Les plantes n'osent pas poser leurs pieds frileux
    Sur le linceul d'argent qui recouvrent leurs cimes;
    Le soc s'émousserait à leurs pics anguleux.

    Ni vigne au bras lacifs,ni blés dorés, ni siegle,
    Rien qui rapelle l'homme et le travail maudit.
    Dans leurs air libre et pur, nagent des éssaims d'aigles.
    Et l'écho du rocher sifle l'air du bandit.

    Ils ne raportent rien et ne sont pas utiles;
    Il n'ont que leur beauté, je le sais, bien un peu.
    Mais moi je les préfère aux champs gras et fertiles,
    Qui sont si loin du ciel, qu'on ni voit jamais Dieu.

                  Théophile GAUTIER

     

     

      ~~ Dans la Sierra  ~~ de Th. Gautier


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  • Â Yvonne Pen Moor

    ~~ " Te souvient-il ..." de A. Privat d'Anglemont

     

    Te souvient-il, enfant, des jours de ta jeunesse
    Et des grandes forêts où tu courais pieds nus
    Rêveuse et vagabonde, oubliant ta détresse
    Et laissant le zéphyr baiser tes bras charnus ?

    Tes cheveux crêpelés, ta peau de mulâtresse
    Rendaient plus attrayants tes charmes ingénus.
    Telle avant ses amours, Diane chasseresse
    Courait dans la bruyère et sur les monts chenus.

    Il ne reste plus rien de ta beauté sauvage ;
    Le flot ne mordra plus tes pieds sur le rivage
    Et l’herbe a recouvert l’empreinte de tes pas.

    Paris t’a faite riche ; entre les plus hautaines
    Tes frères, les chasseurs, ne reconnaîtraient pas
    Leur sœur qui, dans ses mains, buvait l’eau des fontaines.



    Privat d’ANGLEMONT (1815/1859)

    ~~ " Te souvient-il ..." de A. Privat d'Anglemont








     


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  •   ~~ Premier soleil ~~ de Th. de Banville

     

     

     Les lilas vont fleurir, et Ninon me querelle,
    Et ce matin j'ai vu mademoiselle Ozy
    Près des Panoramas déployer son ombrelle :
    C'est que le triste hiver est bien mort, songez-y !

    Voici dans le gazon les corolles ouvertes,
    Le parfum de la sève embaumera les soirs,
    Et devant les cafés, des rangs de tables vertes
    Ont par enchantement poussé sur les trottoirs.

     Bientôt, sous les forêts qu'argentera la lune,
    S'envolera gaîment la nouvelle chanson ;
    Nous y verrons courir la rousse avec la brune,
    Et Musette et Nichette avec Mimi Pinson !

    Bientôt tu t'enfuiras, ange Mélancolie,
    Et dans le Bas-Meudon les bosquets seront verts.
    Débouchez de ce vin que j'aime à la folie,
    Et donnez-moi Ronsard, je veux lire des vers.

    Par ces premiers beaux jours la campagne est en fête
    Ainsi qu'une épousée, et Paris est charmant.
    Chantez, petits oiseaux du ciel, et toi, poëte,
    Parle ! nous t'écoutons avec ravissement.

    C'est le temps où l'on mène une jeune maîtresse
    Cueillir la violette avec ses petits doigts,
    Et toute créature a le coeur plein d'ivresse,
    Excepté les pervers et les marchands de bois !

     

     Théodore de BANVILLE

     

      ~~ Premier soleil ~~ de Th. de Banville

     

     

     
     
     

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    Sur les côtes d'Oléron, le temps des "Malines",(1)
    Bravant la froidure nous partions à matines,
    Émus comme des gamins malgré nos soixante"pieux"
    Sous la brise cinglante qui nous vrillait les yeux.

    Tout au loin Fort Boyard chuchotait d'aventures,
    Et nous dont l'horizon s'arrêtait aux "bouchures"(2),
    Dans la brume et le sel , sur nos joues violacées
    Transis mais obstinés, attendions la Marée !

    Et quand elle arrivait, soulevant des nuages,
    Dans une course folle, des milliers de crinières,
    Des milliers de naseaux, tout écumants de rage,
    Transformaient des agneaux en des hordes guerrières.

    Se chevauchant ...bousculant tout sur leur passage,
    Dans un bruit de sabot, d'ouragan et d'orage
    Comme sous le cravache du dernier galop,
    Ses vagues écrasaient la dune sous les eaux.

    Marquant son territoire en reine et maîtresse,
    Apaisée soudain, elle riait de ses prouesses !
    Caressant doucement le rivage ensablé,
    Elle jouait la traîtresse ...avec coquilles et galets....

                Marielle.

     

    (1) Malines=Grandes marées
    (2) bouchures=haies en Berry

     

     ~~  Les Grandes "Malines" ~~  de Marielle

     

     
     
     

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