•  ~~ A  Londres au crépuscule ~~

     

     Les rues en diamants et leur soyeux pavage,
    Comme des serpentins lâchés des toits obscurs,
    Glissent, de pas en pas, le long de mers de murs,
    Tapissés du soleil de vitrine en voyage.

     Un bus à impériale et son rouge ramage
    Croise une limousine aux fourreaux de noirs purs,
    L’un éteignant le jour et ses rêves d’azurs,
    L’autre incendiant la nuit d’une ivresse volage.

     La Tamise soudain se pare de colliers,
    Et Big Ben se maquille à l’or de ses aiguilles,
    Chuchotant des dîners, fards des joailliers.

    La magicienne alors entre de scène en scène
    Soulevant les rideaux dont les tons de charmilles
    Font frissonner la ville aux plaisirs des mécènes.

     

    Francis Etienne Sicard Lundquit


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  •   ~~ Déjeuner du matin ~~ J. Prévert.

     

     Il a mis le café
    Dans la tasse
    Il a mis le lait
    Dans la tasse de café
    Il a mis le sucre
    Dans le café au lait
    Avec la petite cuiller
    Il a tourné
    Il a bu le café au lait
    Et il a reposé la tasse
    Sans me parler
    Il a allumé
    Une cigarette
    Il a fait des ronds
    Avec la fumée
    Il a mis les cendres
    Dans le cendrier
    Sans me parler
    Sans me regarder
    Il s'est levé
    Il a mis
    Son chapeau sur sa tête
    Il a mis
    Son manteau de pluie
    Parce qu'il pleuvait
    Et il est parti
    Sous la pluie
    Sans une parole
    Sans me regarder
    Et moi j'ai pris
    Ma tête dans ma main
    Et j'ai pleuré.

          Jacques Prévert       


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  •    ~~ Les yeux lointains ~~ J. Supervielle.

     

     Chers yeux si beaux qui cherchez un visage,
    Vous si lointains, cachés par d'autres âges,
    Apparaissant et puis disparaissant
    Dans la brise et le soleil naissant,

    Et d'un léger battement de paupières,
    Sous le tonnerre et les célestes pierres
    Ah! protégés de vos cils seulement
    Chers yeux livrés aux tristes éléments.

    Que voulez-vous de moi, de quelle sorte
    Puis-je montrer, derrière mille portes,
    Que je suis prêt à vous porter secours,
    Moi, qui ne vous regarde qu'avec l'amour

     

    Jules SUPERVIELLE

     


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  •    ~~ Pouvoir gommer...~~ de Marielle.

     

     Pouvoir gommer les souvenirs douloureux
    Les mots maladroits, coléreux ...
    Les heures de désespoir ...
    Les mois, les années noires.

    Pouvoir gommer, du passé les erreurs,
    Celles qui creusent dans le coeur,
    Des abîmes de souffrance,
    Et consument l'existence.

    Pouvoir gommer doucement,
    Sans toucher à la ligne du bonheur,
    Garder au fond de soi, seulement,
    Un coin de ciel bleu et de la joie au coeur !

                                                             Marielle

    ( N° 5 de "Au rythme des coeurs et ..." )

      

     


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  • Dans l'arbre où tout l'hiver ont soufflé les vents froids,
    Un merle est revenu chanter comme autrefois,
    Pendant que le soleil d'avril naissant se couche.
    Le ciel est doux aux yeux, l'air est pur à la bouche.
    Un parfum de jeunesse est dans le soir épars,
    Et l'on sent le printemps qui rôde quelque part...

    Des hauts clochers lointains et des églises proches
    S'envole en rythmes lents la sainte voix des cloches,
    Et l'on entend les sons un par un s'endormir,
    Puis, en un grand silence harmonieux frémir...
    Sur la ville, un instant apaisée et muette,
    A l'occident, pâlit une ombre violette.

    Et l'oiseau qui sifflait dans le soleil couchant,
    Au dernier feu du jour a terminé son chant.

    Albert Lozeau

     

     

    Image : » Printemps 5 .jpg « 


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