• ~~ Si un jour vient le temps ... ~~ de A. Gurly. 

     

    Voyez comme le ciel est coloré de rouge,
    Voyez comme le vent est poussièreux ce soir,
    Regardez sur le pré, il n'y a rien qui bouge,
    Et le rire ne sert qu'à briser le miroir.

    Mais cela ne fait rien, c'est dans l'ordre des choses,
    Cela ne fera rien... Viens ! Partons au hasard.
    Il ne faut pas pleurer lorsque meurent les roses,
    Nos pleurs se sont taris à l'approche du soir.

    Comme les flots sont noirs aux rayons de la lune !
    Voyez comme la plage est souillée de déchets,
    Regardez le ruisseau, l'étang et la lagune
    Où flottent les débris, dérisoires hochets...

    Mais cela ne fait rien, on ne peut rien y faire,
    L'immense absurdité est là, au quotidien,
    Et s'il ne sert à rien de regarder derrière,
    Il ne sert plus à rien de regarder demain.

    Voyez comme les fleurs se fanent au passage
    Des vents pernicieux, brises, ris ou blizzards...
    Comme de la beauté il n'est plus qu'un mirage,
    Tout passe et puis s'enfuit au grand vent du hasard.

    Mais cela ne fait rien, il n'est plus rien à faire,
    Ce monde est si pourri qu'il passe inaperçu,
    Et nous sommes si vils que notre vieille terre
    Ne nous supporte pas, ne nous supporte plus...

    Voyez à l'horizon passer des bruits de guerre,
    Des avions, des chars, des canons, des soldats.
    Voyez dans le vallon où sèche la bruyère
    Mourir à petit feu tout ce qu'on nous légua...

    Mais cela ne fait rien, pauvre gens de misère,
    Resserrez vous bien fort, la chaleur des matins
    Viendra vous consoler du grand froid de la terre
    Pour vous réconcilier avec le genre humain.

    Mais cela ne fait rien, pauvres gens, pauvres hères,
    Tenons nous bien la main... Si un jour vient le temps
    Où périra l'argent sur notre vieille terre,
    On pourra tous s'aimer... s'il en est encor temps...


    Alain Gurly


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  •  

      ~~ L'or des genêts ~~ de Marielle.

     

     Retrouver les genêts dorés,

    Dans l'air pur d'un soir de mai ....

    Quand le soleil inonde les champs,

    Que les soucis s'envolent dans le vent !

     

    S'enivrer de ce parfum sauvage,

    Apre et grisant à l'image

    De la vie. Et le beau temps s'éveille,

    Chassant hiver et longues veilles.

     

    Rentrer légère de grand air ivre,

    Les bras chargés d'une moisson d'or,

    Y enfouir mon visage, mon rire,

    Dans l'illusion d'avoir vingt ans....Quel trésor !

     

     Marielle


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  •  ~~ A  Londres au crépuscule ~~

     

     Les rues en diamants et leur soyeux pavage,
    Comme des serpentins lâchés des toits obscurs,
    Glissent, de pas en pas, le long de mers de murs,
    Tapissés du soleil de vitrine en voyage.

     Un bus à impériale et son rouge ramage
    Croise une limousine aux fourreaux de noirs purs,
    L’un éteignant le jour et ses rêves d’azurs,
    L’autre incendiant la nuit d’une ivresse volage.

     La Tamise soudain se pare de colliers,
    Et Big Ben se maquille à l’or de ses aiguilles,
    Chuchotant des dîners, fards des joailliers.

    La magicienne alors entre de scène en scène
    Soulevant les rideaux dont les tons de charmilles
    Font frissonner la ville aux plaisirs des mécènes.

     

    Francis Etienne Sicard Lundquit


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  •   ~~ Déjeuner du matin ~~ J. Prévert.

     

     Il a mis le café
    Dans la tasse
    Il a mis le lait
    Dans la tasse de café
    Il a mis le sucre
    Dans le café au lait
    Avec la petite cuiller
    Il a tourné
    Il a bu le café au lait
    Et il a reposé la tasse
    Sans me parler
    Il a allumé
    Une cigarette
    Il a fait des ronds
    Avec la fumée
    Il a mis les cendres
    Dans le cendrier
    Sans me parler
    Sans me regarder
    Il s'est levé
    Il a mis
    Son chapeau sur sa tête
    Il a mis
    Son manteau de pluie
    Parce qu'il pleuvait
    Et il est parti
    Sous la pluie
    Sans une parole
    Sans me regarder
    Et moi j'ai pris
    Ma tête dans ma main
    Et j'ai pleuré.

          Jacques Prévert       


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  •    ~~ Les yeux lointains ~~ J. Supervielle.

     

     Chers yeux si beaux qui cherchez un visage,
    Vous si lointains, cachés par d'autres âges,
    Apparaissant et puis disparaissant
    Dans la brise et le soleil naissant,

    Et d'un léger battement de paupières,
    Sous le tonnerre et les célestes pierres
    Ah! protégés de vos cils seulement
    Chers yeux livrés aux tristes éléments.

    Que voulez-vous de moi, de quelle sorte
    Puis-je montrer, derrière mille portes,
    Que je suis prêt à vous porter secours,
    Moi, qui ne vous regarde qu'avec l'amour

     

    Jules SUPERVIELLE

     


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