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En écartant les mots des pages du désir
Les dunes du désert recouvrent de leur soie
Le sommeil d’une étoile où le soleil déploie
Un voile de corail si fragile à saisir.
Quand s’approche le jour qui commence à rosir
Par-delà l’horizon un étendard flamboie
Comme un torchon de vent qui brusquement tournoie
Entre les tours de marbre et la peur de choisir.
Des mèches de silence éveillent la nature
Et gonflent les bateaux d’un rêve d’aventure
Dont la mer cache encor le flamboyant récit.
De la voûte du ciel tombe enfin une poudre
Que le sel de la terre a du mal à dissoudre
Tant est grand le rébus que le soir obscurcit.
Francis Etienne Sicard Lundquist ©2015
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D’un souffle virginal le plus aimé des mois
Emplit l'air ; le lilas aux troncs moussus des bois
Suspend sa grappe parfumée ;
Les oiseaux sont joyeux et chantent le soleil ;
Tout sourit ; du printemps, tout fête le réveil :
Toi seule es triste, ô bien-aimée !« Pourquoi ces yeux rêveurs et ce regard penché ?
De quel secret ennui ton cœur est-il touché ?
Qu'as-tu ma grande et pâle Amie,
Qu'as-tu ? Vois ce beau ciel sourire et resplendir !
Oh ! souris-moi ! Je sens mon cœur s’épanouir
Avec la terre épanouie.« Sur le cours bleu des eaux, au flanc noir de la tour,
Regarde ! l'hirondelle est déjà de retour.
Ailes et feuilles sont décloses.
C'est la saison des fleurs, c'est la saison des vers.
C'est le temps où dans l'âme et dans les rameaux verts
Fleurissent l'amour et les roses.« Soyons jeunes ! fêtons le beau printemps vainqueur !
Quand on est triste, Amie, il fait nuit dans le cœur ;
La joie est le soleil de l'âme !
Oublions ce que l'homme et la vie ont d'amer !
Je veux aimer pour vivre et vivre pour aimer,
Pour vous aimer, ma noble Dame !« Loin de nous les soucis, belle aux cheveux bruns !
Enivrons-nous de brise, et d'air et de parfums,
Enivrons-nous de jeunes sèves !
Sur leurs tiges cueillons les promesses des fleurs !
Assez tôt reviendront l'hiver et ses rigueurs
Flétrir nos roses et nos rêves ! »Et, tandis qu’il parlait, muette à ses côtés,
Marchait la grande Amie aux regards veloutés ;
Son front baigné de rêverie
S’éclairait à sa voix d'un doux rayonnement ;
Et, lumière de l’âme, un sourire charmant
Flottait sur sa lèvre fleurie.Auguste Lacaussade
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Ouvrir la porte sur les songes,
Revoir ton sourire, revoir en songe,
Tes yeux qui dans mes yeux plongent !Ouvrir la fenêtre sur nos printemps.
Entendre ta voix dire : je t'attend;
Descendre ensemble les marches du temps.Dans le jardin, main dans la main,
Et nos regards ...des jours lointains,
Dans un songe, sans lendemain.J'en garde seule maitenant la clé,
Des songes des rêves, des mots aimés,
Que je tourne, retourne, pour te retrouver.Marielle
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Le sentier que j'aime le mieux
Quitte en sournois la route blanche
Où passent trop de curieux,
Et disparait entre les branches.Celui qui traça son parcours
Fut, je crois bien, un solitaire
Qui pour écrire ses amours,
Choisit comme papier la terre.Sitôt à l'abri des regards
Il devient un chemin tout rose
Coupant la bruyère au hasard.
- Première joie en l'âme éclose.Puis il saute un ruisseau : miroir
Où l'on se rencontre avec Elle :
Dans un sourire on laisse voir
L'inclination mutuelle.Lestement il grimpe un coteau
Dont les framboises et la menthe,
Le petit thé, le pain d'oiseau
Disent une époque attrayante.En faisant un détour brusqué
Il montre un pic nu, détestable,
Qui semble un bandit embusqué.
- Cette querelle inévitable !Voici qu'au bord de la forêt
Il marque à peine l'herbe rase,
Se glisse presque droit, discret.
- L'accord se rétablit. On jase.Des buissons transparents, soudain,
Il émerge et court à la grève,
D'un lac aux horizons lointains
Où vogue, épanoui, le rêve.Alphonse de Beauregard
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« Un vent triste et perfide, ô Venise, a soufflé
Sur le fard pâli de ta joue,
Et la Fortune a fait avec son pied ailé
Plus d'une fois tourner sa roue.Toi qui voyais jadis, comme un essaim bruyant
Sorti de tes ruches guerrières,
Vers ta riche beauté revenir d'Orient
Les fanaux d'or de tes galères!Un jour, ne t'es-tu pas, en robe de brocart,
Éblouissant ceux qui t'ont vue,
Assise en ton orgueil et leur offrant leur part,
A ton festin, la face nue ?Puis, sous le masque noir dont le nocturne atour
Parait ta grâce déguisée,
N'as-tu pas invité le Plaisir et l'Amour
A boire à ta coupe irisée?...Une barque de fruits croise sur le canal
Une gondole lente et close;
Un cyprès noir dans le jardin de l'Hôpital
Dépasse le haut du mur rose;Un vieux palais sourit à l'angle d'un campo
De sa façade défardée,
Derrière un store jaune d'ocre, un piano
Estropie un air d'“Haïdée” ;Sur la lagune une péotte de Chioggia
Etend sa rouge voile oblique
En attendant le vent subtil et doux qui va
Se lever de l'Adriatique,Et, Maîtresse des mers, j'évoque un temps lointain,
Venise, où, Reine des rivages,
Tu coiffais d'une conque d'or le front marin
De tes Doges aux durs visages ! »
Henri de Régnier (1864/1936)
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